Ce coeur naïf, Floki l'avait pénétré. Sans même en avoir la prétention. Et il dansait pour lui, à chacun de ses mots. La pauvre fille, enfant de modestes fermiers, ne vît que du bon en ce pauvre illuminé. Elle avait cru en lui dès la minute où son regard franc transcrivît la sincérité de ses intentions. Ses rêves, ses espoirs, elle voulût qu'il ne les partage qu'avec elle. Personne ne croyait réellement en lui. Pas même la mère de ses fils, qui ne l'avait suivi. Floki partagerait ses attentes, lui parlerait de ses fantasmes et elle, elle se montrerait digne de ses croyances, elle l'aimerait...
Floki l'aima à son tour. Il l'aima brièvement...
L'Automne.
Une saison supplémentaire. Il fallait attendre l'arrivée de l'hiver afin de regagner la mer, de retrouver Kattegat.
On n'aurait d'autre choix que d'y croire ! Cette terre était un cadeau des Dieux. Les familles pourraient ici s'établir, les enfants y évoluer... Il verrait ses fils. Ils grandiraient à ses côtés et il pourrait leur apprendre à contenter Odin.
"Eira les suivrait forcément."
Et elle ? Qu'allait-elle faire ? Elle qui l'aimait vraiment ? Qui croyait en lui, elle qui était digne de sa foi. Eira ne le méritait pas. Et pourtant, elle hantait ses pensées, habitait toujours dans son coeur ? Floki ne comprenait-il pas?
L'hiver tomba enfin.
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Un drakkar s'approcha de la baie de Kattegat, soulevant un vent d'agitation parmi ses habitants. C'était eux, ils rentraient enfin.
Ils revenaient, fatigués et affaiblis mais non sans nouvelles. Dressés sur le port, ils échangeaient, s'embrassaient, laissaient parler leur joie de revoir leur sang, leurs confrères. La terre promise par Floki était bien réelle et prometteuse. Bientôt, ils pourraient étendre leurs territoires, établir des temples pour louer les Dieux, les vénérer, propager leur culture. Tous ensemble.
L'ambitieux rejoignît les siens et les embrassa. Que ses fils lui avaient manqués... L'un ne possédait pas un équilibre parfait que l'autre courrait déjà parmi les hommes. Turid disparût silencieusement, meurtrie et affligée. Avec elle, partît le nom du porteur de ce fruit qu'elle protégeait depuis maintenant quatre mois...
Le second printemps se réveilla de nouveau à Kattegat,
On frappa à la porte du navigateur, l'air fermé. Il était attendu par Magnar, qui détenait un bien lui appartenant. Il traversa alors les maisons, entouré de deux hommes envoyés par le Jarl.
La Tête du village parla. Floki eût une fille. Turid s'était donnée la mort en se laissant tomber d'une falaise. On ne retrouva pas une trace de la malheureuse, si ce n'était qu'un morceau de sa chair : Thorhild Flokisdottir.
Cet enfant, était-il réellement le sien ? Une fille. Quelle bénédiction...
Le coeur partagé entre profond désarroi et fierté, Floki tenait ce petit être dans ses bras, le contemplant longuement. Il l'avait négligée. Il ne l'avait pas regardée. N'avait écouté ses sentiments... Si Freyr l'avait bénit d'un cadeau, Hel lui ôta l'intermédiaire.
L'arrivée de ce printemps tant attendu, les oiseaux seraient prêts bientôt. On ne se laisserait pas porté par leur vol, cette fois.
Hrafna-Floki se tourna vers sa femme, le visage grave. Il lui confia son précieux bien, pleinement serein. Elle s'en occuperait convenablement. La mince flotte de navires quitta à nouveau le port de Kattegat, vers de nouveaux horizons. Eira contempla ces deux petites billes azures qui semblaient prêtes à observer le monde. Si Thorhild était le sang de son bien aimé, elle la chérirait...