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« Le p’tit gars d’en-dessous… il paraîtrait que m’sieur pose pour les magazines ; ouais, et il se la joue Mozart, avec sa gueule d’ange. Mais te fais pas avoir, il a rien d’un mec marrant, je me demande si il sait s’amuser. Tu me crois si je te dis qu’il m’a déjà pété la rotule ? Merde, la première fois qu’il m’a adressé la parole c’était pour me menacer avec une batte ! Complètement déglingué… ouais, c’est un chic type ce Neliel. » Phillip-Donald Allen.
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Lip lui tendit son verre pour qu’ils trinquent, et Neliel tourna lentement la tête dans sa direction pour lui sourire. Un sourire séducteur, fourbe. Sa main se resserra autour de son verre qu’il porta discrètement à sa droite pour renverser son contenu au sol

   

  - Tvoe zdorovie, Filip...

Brisant le silence pesant qui s’était installé entre eux, Lip laissa échapper un éclat de rire tout à fait sarcastique. En vérité il n’avait aucune envie de plaisanter. Le bruit sec que fit son propre verre lorsqu’il le reposa sur le comptoir sans l’avoir bu lui rappela le martèlement du pas du bourreau le long du couloir du condamné ou bien le claquement du fouet. 
- Alors écoute moi bien Peter Dinklage, je sais pas si t’aimes ça, passer la serpillère mais je te promets que si t’as pas d’explication valable tu vas la passer avec ta langue, fils de pute.
D’un geste sec, il se saisit de son verre encore plein, pour en asperger la figure de Neliel d’un air tout aussi impassible, résolu. Un sourire naquit sur ses lèvres – fallait bien avouer que ça lui faisait plaisir, de foutre en l’air sa chemise de luxe.  Si le Russe serra les dents sous l’effet acide du breuvage dans ses yeux, sa peau sembla se décolorer, son visage à perdre ses nuances rosées habituelles. D’un mouvement presque instinctif, Neliel arracha sa chemise sans se préoccuper de la valeur d’un bouton et s’essuya le visage au mieux. Lip posa son pied sur le barreau du tabouret et le bouscula assez fort pour en faire tomber son voisin, dans le meilleur des cas ou le faire descendre, dans le pire.

-       
Je frappe ni les filles ni les mômes. Reviens me voir quand t’auras grandi ou peut-être un peu plus de poils aux couilles. 
 Puisqu’ils avaient attiré l’attention sur eux, il préféra se tirer de là ; il n’avait pas besoin d’un scandale en plus ce soir-là. La mâchoire saillante, les dents serrées, les yeux noirs, le blond avança. Son corps tremblait bien trop facilement, les nerfs sûrement. Il ne sentît plus sa raison, sa conscience. Rien. Il n’entendît plus rien, ne ressentît plus la moindre once de bon sens. Non. Ni ça, ni les remarques, ces bruits que faisaient ces cons a qui le spectacle n’avait échappé, ni le fait qu'il se trouve à moitié nu. Ramassant ce verre vide qu’il avait laissé sur le comptoir, Neliel quitta le bar sans un mot, sans ralentir sous les avertissements du barman.
 Ces verres à bourbon... Il les aimait bien, finalement. Si joliment taillés, si fermes et lourds... Parfaits. Il n’eut le temps de chercher bien longtemps, sa cible se trouvait imprudemment à quelques mètres de là.  Neliel ne réfléchit, n’hésita. D’un geste vif guidé par l’élan, il lança le verre en pleine tête de son confrère impulsif, sans attendre de se trouver face à lui. Son visage oscillait entre une neutralité déconcertante au vu de la situation et une colère non dissimulée.

 

- La prochaine fois que tu me verses ta pisse dessus, je t’immole. Tu m’entends?

Lança t-il d’une voix posée et à la fois chargée de rancune, alors qu’il lui présenta son briquet. Un rire nerveux, amer, sarcastique échappa à Lip. Le pire ? Il en serait sûrement capable...–  Là, droit comme un i, à trois-quatre pas de ce type, Neliel respirait tranquillement -ou presque-, comme on le lui avait appris.

L’espace de quelques instants, Lip eut beaucoup de mal à se rappeler où est-ce qu’il se trouvait. Ouais, il avait sacrément mal, mais d’un autre côté, ça lui faisait beaucoup de bien. Neliel avait essayé de l’assommer, de le tuer ? Et il l’avait amplement mérité. Il se dit que merde, en moins de trois minutes, Neliel avait pris vingt centimètres et une sacrée fourrure plus au sud –il n’aurait plus aucun remord à le mettre au tapis. 

 

Abîmer le visage si parfait de ce type qui n’avait pas dû prendre beaucoup de baffes dans sa vie lui faisait un bien fou. Tous les muscles de son corps fin et élancé se bandèrent, aussi rigide que la pierre, prêt à recevoir, esquiver, rendre. Neliel ne fuyait pas son regard. Lip comprenait qu’il avait affaire à un être dont le rapport à la violence était particulier. Il n’avait pas peur. Au fond, le Floridien aurait même juré que ce mec crevait lui aussi d’envie qu’il lui déboite la mâchoire...

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Plus ils apprenaient à se connaître, plus il réalisait que Neliel et lui avaient bien plus en commun que ce qu’on aurait pu imaginer à première vue. Qu’est-ce qu’un pédé de violoniste pourrait avoir envie de raconter à un sale plouc de Floride ? Rendu sur le palier de son voisin, il sonna et attendit qu’on lui ouvre, pendant de longues secondes, jusqu’à ce qu’étrangement, la porte d’entrée semble s’ouvrir d’elle-même dans un long grincement. En apercevant de la lumière qui venait de la salle de bain, Lip présuma que le propriétaire des lieux était peut-être sous la douche. Non il n’avait pas son jeu de clé qui lui aurait permis de rentrer chez lui – Bon Dieu qu’est-ce qu’il aurait aimé les avoir.
Durant de longues secondes qui lui parurent durer une éternité, Phillip resta figé dans l’encadrement de la porte, les yeux rivés vers ce tableau tout à fait irrationnel. A la manière d’une autre créature monstrueuse vieille comme la nuit des temps, Neliel semblait l’avoir pétrifié. Ne pouvant se résoudre à détourner son regard désormais creux et humide, il se sentait comme frappé en plein cœur par le sublime de la scène et était dramatiquement partagé entre terreur et émerveillement. Là, lovée au creux la baignoire, couvait une créature fabuleuse aux allures serpentines.  La bête possédait une extraordinaire queue écailleuse et on avait peur de s’y trancher, si on tendait les doigts dans leur direction. Mais ce qui l’effrayait par-dessus tout, c’était ce savant métissage entre humanité et monstruosité. Bordel de merde, qu’est-ce qu’il n’aurait pas donné pour tomber plutôt face à Neliel, le cul à l’air ! Il rit si fort qu’il crut qu’il allait se mettre à pleurer, mais un homme, un vrai ça pleure jamais. Pas même face à une putain de sirène ultra-réaliste, un après-midi pluvieux.
         « Neliel… Putain, fils de pute, je voulais te dire que j’avais encore oublié mes clés mais… J’étais pas sensé voir ça, pas vrai ? Merde, je... Comment t’as fait ça, c’est du… »  
 
Il se figea toutefois en constatant que son déguisement était sacrément réaliste et poser les doigts sur ce foutu plastique ne correspondait pas du tout à la sensation qu’il attendait.  Ce monstre était réel.
Ce monstre était réel.
cr: Phillip Donald Allen, à  notos.
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